• Entre deux continent

    Quand je suis arrivée il y a six mois je ne pensais pas m’attacher à ce pays, ni à ces habitants. Avec les difficultés, le coup d’états, l’incompétence des fonctionnaires, la malhonnêteté de notre personnel et le manque d’éthique partout, ce sentiment aurait pu grandir. J’aurai pu m’aigrir et détester ce pays. Mais aujourd’hui que je rentre pour quelques semaines en France, j’ai l’impression que ce pays va me manquer.

     

    Les dernières journées au dispensaire ont été plutôt difficiles, avec le container de médicaments qui arrive dans une semaine, la prochaine commande à préparer et les vaccins qui n’arrivent toujours pas, je n’ai pas chômée. En plus depuis le retour du directeur, nous enchaînons réunion sur réunion pour remettre un peu d’honnêteté dans l’équipe. Nous finissons de collecter les derniers témoignages, nous faisons des entretiens disciplinaires et préparons les premiers licenciements.

     

    Sans aucun doute dans nos esprits le premier licenciement sera celui d’Eliane, la grosse truie violette. Aujourd’hui malheureusement une nouvelle pièce s’est ajoutée à son dossier. Un enfant est mort. Sa mère de quinze ans est venue accouchée hier à la maternité. Enceinte de sept mois l’enfant était né vivant et viable mais en détresse respiratoire. Malheureusement il n’a pas eu le moindre soin pour lui permettre de s’en sortir. Une heure est demi après la naissance, Eliane a juste notée : « 15h50 arrêt respiratoire mais le cœur continue de battre. » En lisant ça nous étions horrifiés. Ce matin à 11h la mère n’avait toujours était informée du décès de son enfant. Comme est elle la représentante du personnel nous ne pouvons pas la licencier sans autorisation et pour obtenir une autorisation il faut avoir un bon dossier et de la patience. Nous attendons donc, en espérant qu’aucun enfant ne meurt sur la paillasse pendant ce temps.

     

    Malgré cela, j’avais le cœur gros en quittant le dispensaire cet après midi. Je n’avais pas envie de le quitter même pour trois semaines de vacances en France. C’est étrange, qui l’eu cru.

     

    J’ai inspiré une dernière fois l’air de ce pays avant d’arriver à l’aéroport. J’avais tellement regardé cet empennage bleu, blanc et rouge en pensant au retour que j’avais du mal à croire que dans moins de douze heures je serai à la maison. Marie a montré l’avion de l’index avec des larmes dans les yeux et a dit : « Maison ! Maison ! ». Ce soir devant l’aéroport, il y avait de l’émotion pour une petite équipe de la mission catholique. Encore une fois nous devons nous séparer, notre mission est marquée par la poisse depuis le début et ça ne va pas s’arranger d’ici novembre.

     

    Après les embrassades et les larmes contenues je me suis engouffrée dans l’aéroport et j’ai basculée dans un autre monde : l’occident. Plus j’avançais dans le processus d’embarquement plus les procédures étaient complexes et plus je reconnaissais ma civilisation. Toutefois sur le tarmac j’ai pris une photo et un militaire m’a sauté dessus. J’ai fait la blonde, je lui ai fait croire que je ne savais pas de quoi il parlait et il m’a laissé partir. Il fallait bien que je nargue l’autorité de ce pays avant de partir.

     

    Dans l’avion c’était le début du retour : uniformes nickels, boissons fraîches et traiteur. L’hôtesse m’a demandé plusieurs fois si ça allait.

    -L’odeur de votre voisin ne vous dérange pas ?

    -Quelle odeur ?

    -Il pue le monsieur d’à coté. Ca chlingue !

    -Je n’avais pas remarquée, excusez moi.

    Depuis le début du voyage, j’étais enchantée par les odeurs des parfums des hôtesses, je n’avais pas remarqué que le gars d’à côté s’était à moitié vomit dessus. J’ai dût passer trop de temps à la prison, mes récepteurs olfactifs sont à la retraite.

     

    J’ai a peine touché à mon plateau repas et je n’ai bu que de l’eau. On est loin de l’orgie aux macarons et au champagne que j’avais imaginé. Je ne me suis pas encore sentie capable de redevenir superficielle. Je sais que ça reviendra mais pour l’instant je savoure encore ces dernières heures entre l’Europe et l’Afrique.


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