• Littérature

    « Après le rond point, sur la droite, il y a des anges. C'est vrai, des anges peints sur la façade d'un bâtiment anodin, un bloc rectangulaire égayé par des séraphins.

    Derrière ces murs se concentrent à la fois toute la misère et toute la générosité du sous développement, de l'Afrique entière.

    Créé il y a dix-sept ans, le dispensaire bat son plein, et fait partie des grands projets-courages du pays.

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    Le principe paraît simple mais est un défi de chaque jour dans un pays aussi corrompu. Les médicaments génériques sont commandés en Europe, arrivent par conteneur, sont stockés dans la pharmacie du dispensaire et revendus à des prix dérisoire. Rien que pour ce trajet, il faut éviter qu'ils disparaissent en arrivant au port, sur la route entre le port et le dispensaire, que les employés ne les volent, etc.

    Le tarif forfaitaire (mille cinq cent francs par patient, l'équivalent d'un demi euro) comprend la consultation, les éventuels examens à passer, les soins. Recevant deux cent cinquante (NDA : 400 aujourd'hui) patients par jour, le dispensaire arrive à être en auto financement grâce à la petite contribution de chaque patient.

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    Les volontaires donnent tout, sans relâche : leur temps, leurs nerfs, le plus beau d'eux-mêmes pour ces gens qui viennent souvent quand il est trop tard. Une caisse de solidarité a été créée pour les cas gravissimes, mais elle ne suffit pas : chaque jour, ils sont obligés d'envoyer des dizaines de personnes à l'hôpital, pour une appendicite, une bronchite aggravée, le sida...Des bébés brûlés au troisième degré débarquent en urgence, tombés dans le feu. Des gamins de dix ans meurent d'une appendicite faute d'argent pour aller à l'hôpital...Le courage, le combat de ces volontaires me sidère. Dans ma petite école, je suis tellement protégée du monde extérieur, du malheur, de la lente destruction de ce pays qui va mal.

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    Je ne sais pas dans quel état d'esprit ces jeunes volontaires rentrent chez eux après deux ans dans le dispensaire, comment ils recommencent à vivre en France, à exercer leur métier. Ne passent-ils pas leur vie à être hantés par ces corps, ces âmes qu'ils ont accompagnés, soignés, vus renaître, vus mourir ?

    Leur combat est si noble, leur tâche si grande.

    Je ne sais pas ce que ça fait de sauver une vie, mais je pense que ça donne un sacré sens à la leur ».

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    Voici l'extrait d'un livre d'une coopérante qui est venue comme nous pour travailler dans l'école de l'archevêché. Comme elle avait rencontré l'équipe du dispensaire elle lui consacre ce passage. Quand Ana nous a lu ça hier, nous étions nous aussi sidérée. C'est donc comme cela que les gens nous voient. C'est étrange, nous ne voyons pas les mêmes choses. Notre quotidien est moins romantique mais aussi beaucoup plus beau. Elle ne raconte pas que les mamans se moquent de moi quand je parle leur langue et qu'elles ne comprennent pas, elle ne dit pas que c'est l'occasion de grand fous rire. Elle ne raconte pas non plus la beauté d'une naissance et la satisfaction du devoir accomplie quand une journée se finie bien. Elle oublie aussi les taxis collectifs et le marchandage dans les échoppes de tissus sur le marché boueux. Elle oublie tout ce qui nous plait dans notre mission.

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    L'auteur s'interroge sur notre retour. Arrivent-on encore à exercer notre métier et sommes nous hanté par ces corps ?

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    Je n'exercerai plus mon métier de la même manière, c'est sûr. Parce que je ne suis plus la même. Prendre des décisions qui influent sur la santé et la vie des gens ça donne du relief au métier de gestionnaire. Je n'ai pas seulement compté des boites, j'ai fait des arbitrage. J'ai limité certains médicaments, mis en place des programmes pour les épileptiques et les diabétiques, j'ai refusé l'accès à ces programmes à certaines personnes, sur des données purement pragmatiques. J'ai prescris des médicaments et participé à la réanimation de nourrissons ou d'enfant dans le coma. J'ai décidé qui pouvait ou pas bénéficier de notre caisse des indigents. J'ai eu la responsabilité du dispensaire, des ses quatre cents malades et des ses cinquante employé deux jours par semaine depuis le départ du directeur. Chacune de mes décisions a pesée sur la vie d'au moins une personne. Ca pèse sur la conscience autrement que de faire une erreur de virgule en bas d'un tableau mais ça permet aussi d'apprécier la virgule au bas du tableau.

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    Comme l'auteur, je pensais que je reviendrais traumatisée par la mort des enfants. C'est sûr ça me bouleverse mais certains marquent plus que d'autre. Pour ma part je suis marquée par ceux que j'ai mis dans leur linceul. Parce que tant qu'ils n'ont pas leur linceul on pourrait croire qu'ils dorment. Et puis ce ne sont pas des corps ou des âmes, ce sont des enfants. Nous avons annoncé leur décès à leurs mères. Nous avons soutenus leurs mères en attendant l'arrivée de la famille. Ce ne sont pas que des corps et des âmes, ils ont une histoire, une vie dont nous marquons le point final.

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    Personnellement, ce qui m'empêche de dormir, ce qui me hante, ce sont les deux fois où j'ai vu la mort en face. Cette nuit de Noël où nous nous savions si seuls et si vulnérables et cette fin d'après-midi à la prison où j'étais vraiment seule. C'est un sentiment indescriptible, c'est marqué au plus profond de moi et je pourrais continuer à l'écrire ou a le crier sur les toits que je ne pourrai pas m'en débarrasser. Je suis marquée au fer rouge mais ça ne m'empêchera pas de vivre.

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    En conclusion, et à la lecture du reste du livre, et notamment des passages sur la prison et sur les sœurs de mère Térésa, je dirai qu'il y a beaucoup de clichés sur les french-doctors venus sauver l'Afrique. Nous ne sommes pas des héros, nous avons pris une décision un peu folle, suivit un rêve d'humanité et de charité mais nous sommes comme tout le monde. Nous doutons, nous nous fatiguons, nous nous énervons mais nous voyons aussi la pépite d'or dans sa gangue de boue et c'est ça qu'elle n'a pas sût décrire.

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