• Tiens, ce soir ça tire à l'arme lourde. Ils sont complètement fous.


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  • Ce matin j'avais rendez vous à la prison avec le médecin chef pour lui signaler les cas les plus graves. Il faut dire qu'il ne sort pas beaucoup de son bureau et que les prisonniers ne sortent pas beaucoup de leur cale. Comme ils ne font pas beaucoup d'effort, ils ne se rencontrent pas et les uns meurent pendant que les autres jouent aux dames.

    Bon comme c'est un peu ma mission de je l'ai appelé pour lui montrer les cas qu'il est censé voir et qu'il ne voit pas. Nous avons commencé par celui qui à une éventration, c'est un peu impressionnant mais c'est comme une hernie en plus gros. Ensuite nous sommes allé voir celui que j'avais suturé en fabriquant un steristrip et pour finir nous sommes allé à la cale malade.

    Chemin faisant, il me dit :

    -J'en profiterai pour voir le décédé

    -Le décédé ??? Le décédé, comme le mort ????

    -Oui, il y en a un qui est décédé cette nuit ?

    -Euh...Il est mort de quoi ?

    -De la tuberculose

    -De la tuberculose ? Il n'avait rien à faire dans la cale malade, si vous continuez à les mélanger vous allez finir par tous les tuer. Vous avez beaucoup de décès ?

    -Non jamais, on les libère avant.

    -Pour celui-là, c'est raté. Pourquoi n'était il pas avec les tuberculeux.

    -Parce que son diagnostique n'était pas confirmé.

    -Oh ben maintenant qu'il est mort vous avez votre confirmation.

    Il a soulevé de drap sur la civière et est revenu avec un grand sourire.

    -Il n'est pas mort de la tuberculose, il est mort de faim. Ce n'est pas le même.

    -...

    Au même moment le mineur dont je m'étais occupé la semaine dernière est apparu. Je ne sais pas combien il avait perdu de kilos et son dos était couvert de plaies. J'ai eu la nausée, j'ai eu envie de me réfugier dans les bras de ma Maman. Un mort de faim en putréfaction à ma droite, un môme torturé en face de moi et un médecin corrompu à ma gauche. J'ai eu envie de pleurer mais je n'y arrive plus depuis le 25 décembre.

    « Ne pas faire de scandale pour ne pas être interdite de visite. Ne rien dire. Soigner et signaler, juste ça ». Comme le médecin était là j'en ai profité pour faire les pansements à l'infirmerie et pas par terre dans la cours. Je suis partie devant avec Kalifa que je soigne pour un abcès sous le pied. Sa blessure a dû mal à cicatrisée parce qu'il marche pied. J'ai enlevé mes baskets et je lui ai donné mes chaussettes pour protéger son pied. Des Burlington en fil d'écosse idéales pour courir. Je crois que c'est un peu ça ne renoncement...

    Quand Mohamed Alpha, le petit jeune nous a rejoint, on lui avait mis une chemise pour que je ne revoie pas les brûlures. De l'instant où il s'est assis et jusqu'à son départ il a pleuré. Pleuré comme un gosse inconsolable, comme un gosse qui s'attendais a recevoir une tape sur les doigts et qui se retrouve en enfer. Il dit que le feu est venu sur lui, je n'en saurais pas plus.

    Depuis le coup d'état les prisons ne sont plus alimentées en riz et les prisonniers meurent, depuis toujours les médecins ne font pas leur boulot alors les prisonniers meurent aussi, tout simplement.

    Et l'humanité dans tout ça et le coté précieux de la vie ?


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  • A notre arrivée à Dakar nous avons tous gémit : « Je veux rentrer à la maison »

    Mais quelle maison, où ce trouve notre maison. Est-ce le pays où l'on est né, où notre famille nous attend ou notre pays d'adoption que nous avons abandonné à son sort.

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    Comme des animaux apeurés nous nous déplaçons en meute. Nous avons tellement perdu aujourd'hui, il ne faudrait que nous perdions l'un de nous. Nous avons une ultime décharge d'adrénaline lorsque nous devons passer le dernier poste de contrôle. Le vin, charcuterie et le foie auront-ils le droit d'enter dans le pays. Un je vous salut Marie collectif plus tard nous sommes enfin sortis de l'aéroport avec des vivres pour tenir un siège.

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    Le coopérant qui est venu nous chercher a dût nous prendre pour des dingues. Complètement hébétés nous nous sommes extasiés devant les taxis et l'immeuble de ce riche pays. Il a bien essayé de nous expliquer qu'il n'y avait pas assez de place pour tout le monde dans son minibus mais il s'est heurté à une équipe habituée à voyager à 7 par voiture sans compter les poules, les bagages et les enfants. Trop contents de retrouvée une ambiance familière nous nous sommes serrés à l'arrière de la voiture. Il était hors de question de nous séparer pour prendre deux voitures.

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    Contrairement à ce que nous pensions nous ne seront pas logés chez les coopérant mais dans un couvent. Les familles d'un coté et les célibataires de l'autre. Les toilettes sont sur le palier et les draps sont rêches. Pour la première fois nous nous autorisons à pleurer devant les autres. Nous voulons rentrer chez nous...

    Je développe un syndrome post traumatique relativement intéressant : Je refuse que l'on porte mes bagages. Mon sac à dos, mon ordinateur et ma guitare : Voilà tout ce qu'il me reste. Je refuse de les laisser dans les mains de quelqu'un d'autre, ce sont mes trésors.

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    Comme c'est quand même Noël, nous sommes invités chez les coopérants qui fêtent Noël avec leur famille et des amis Sénégalais. « Joyeux Noël, bienvenue ». Nous réprimons encore quelques larmes et nous réfugions dans un coin de la concession tous ensemble. Avant de nous installer nous veillons tout de même à nous placer sous une dalle en béton.

    A force d'insistance de la part de nos hôtes, nous avons commencé à mange et retrouvé l'appétit. Depuis deux jours mis à part un canard immangeable, des pommes de terre pas assez cuites, deux boites de Pringles et une boite de bonbons haribo pour onze, nous n'avons rien dans le ventre.

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    Le poulet wolof nourrit les cœurs et les âmes : les rires reviennent et nous imaginons déjà notre retour au dispensaire. La fin de la fête est marquée par des pétards. Nous sursautons...

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    Il faudra du temps pour que les séquelles s'effacent. En plus d'être désocialisée maintenant je vais vivre avec ma dalle en béton portative sur la tête et sursauter à chaque bruit suspect. Dommage, j'étais une chic fille avant...


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  •  

    Quel manque d'intégration me direz vous mais c'est un compliment dans leur bouche, tu devrais en être fière, c'est culturel,....


    On peut dire ce qu'on veut, on peut être la fille à mieux intégrer du monde, quand on est occidentale, se faire appeler Marie-les-grosse-fesses, ce n'est pas sympa !


    Tout à commencé très simplement, un matin au dispensaire une sage femme me dit : « Bonjour boulboule ! ». Elle ne s'est pas regardée, la grosse truie !

    Boulboule c'est une manière affectueuse d'appeler les filles un peu rondes. Il y a les flekéfleké qui ont la peau sur les os, les bambalanis, les bien bâtis et enfin les boulboule.

    Quelques jours plus tard en parlant de moi notre lingère engage avec ma colocataire la conversation suivante :

    - Elle n'est pas là l'autre ? 

    -Qui ça l'autre ?

    -L'autre, la grosse !

    Si ça n'avait tenu qu'a moi, je l'aurai licenciée sur le champ. 8 ans de régime pour se faire appeler la grosse, non merci. En plus, c'est totalement injustifié parce que je fais du 42.


    Après Marie-Foté (Marie-la blanche), depuis trois jours les filles du dispensaire m'appellent : Marie-Bimbili (Marie-les-grosses-fesses), en plus, elle ajoutent toujours le geste à la parole et ça m'irrite particulièrement. C'est vraiment des sauvages.

    Mais je crois que je m'en serai volontiers tenue là mais depuis hier elles m'appellent Marie-Guerzé. Les guerzés font partit d'une ethnie de la forêt. Etre guerzé, ce n'est pas très flatteur quand on est une jeune fille bien née. En fait, elles m'appellent comme ça parce que depuis que j'ai repris les stocks, je n'arrête pas de déménager du matériel et des cartons et comme il y a beaucoup de poussière, j'ai toujours le visage terreux en fin de journée.


    Le dernier sobriquet en date est Marie-assainissement. Même si ce n'est pas très joli, je l'accepte volontiers parce que ça prouve que le message est bien passé. Et pourtant, elles ne savent pas encore que j'ai était nommée responsable du groupe hygiène. D'ailleurs pour ceux qui s'inquiètent de mes relations avec les pharmaciennes, sachez qu'elles sont au beau fixe. Elles font le ménage tous les soirs et en plus c'est devenu contagieux. Elles avouent même, bien volontiers, qu'il est plus agréable de travailler dans un endroit propre et bien rangé.


    Bien sûr qu'un pays où on vous fait remarquer que la nature vous a faite fessue est un pays hostile. Mais avant tout, je crois que tous mes sobriquets sont la marque d'une attention particulière et d'une adoption par l'ensemble du personnel. Bon je préfèrerais qu'elles admirent mon intelligence mais elles saluent ma simplicité, c'est déjà bien.


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  • Debout 4 heure du matin, 4 heure du matin c'est tôt...

    Evidemment avec mes 90kg de bagage, l'hôtesse d'enregistrement n'était pas très contente. Je lui ai expliqué que j'avais un billet avec des conditions particulières et que j'avais droit à 3 bagages de 32kg. Un peu revêche (normale, il n'était que 6h15) elle a appelé sont chef. Son chef a dit la même chose en rajoutant qu'il n'y avait que Monsieur Spinetta (PDG d'Air France) qui pouvait donner ce genre de dérogation. J'ai rajouté que je partais pour une ONG et que je transportais du matériel médical pour un dispensaire. Pas moyen de les faire bouger. Finalement à force d'insistance l'hôtesse, enervée, m'a tendu mon billet en me disant : « lisez vous-même, vous n'avez droit qu'à 20kg ».

    J'ai pris mon billet en me disant qu'il fallait qu'un miracle se produise, et là, en toute lettre j'ai lu : « DEROG EXCESS BAG 3 PCES 32KGS ». Quand je leur ai rendu mon billet, triomphante, en leur montrant la phrase magique, ils sont soudainement devenus très sympas et mon positionné pour un sur classement en classe affaire.

    Nous n'avons même pas parlé de la guitare et je l'ai prise en cabine.

    A l'arrivée à Orly, il s'est passé un phénomène très étrange. Nous sommes tous restés coincés dans la passerelle de transfert. Dans le no men land entre l'avion et le terminal. Au bout de 25min, comme nous avons commencé à nous énerver, le petit homme chauve à dit au talkie-walkie : « C'est Eric, ça fait cinq fois que j'appelle le PC et rien ne se passe ; les passagers de l'avion de Bastia qui avait du retard sont bloqués dans la passerelle. »

    « Silence »

    «Allo, j'ai 150 corses énervés dans une passerelle et ils menacent de descendre sur le tarmac. Si vous ne faites rien je les lâche ! »

    Grâce aux lois anti-terrorisme, sans doute, nous avons été relâchée dans la minute qui a suivit.

    Comme dans le film avec Tom Hanks, je me suis demandée si l'indépendance de la Corse n'avait pas été prononcée pendant notre vol et que nous allions devoir errer dans l'aéroport comme des apatrides.

    Bien sûr, je devais aller voir mon cousin à Paris, mais ça n'a pas été possible parce que je devais changer d'aéroport et que lorsque l'on change d'aéroport la correspondance des bagages ne se fait pas.

    Je me suis donc retrouvée avec mes 90kg sur les bras. Ce qui était bien c'est que pendant que nous attendions dans la passerelle nos bagages s'offraient des tours de manège sur le tapis à bagage. C'était tellement bien qu'un couple n'a pas retrouvé sa valise Vuitton. Elle devait  avoir marre de tournée en rond sans surveillance.

    Mon père m'a toujours dit : « En voyage il faut pouvoir porter ses valises tout seul et pouvoir courir après un avion ». Lorsque j'ai dit ça à mon chef de mission il m'a dit : « Tu seras à Paris, voyons, c'est pas l'Afrique ! Il y aura des chariots à bagages, des bus et du personnel pour t'aider. »

    J'ai trouvé le bus pour faire le trajet entre Orly et CDG et même un jeune homme pour m'aider à mettre mes valises dans le bus. Mais arrivé à CDG à cause d'une alerte à la bombe le bus nous a déposé à 150m de l'arrêt, du jeune homme qui nous devait aider à descendre les bagages et des chariots.

    150m avec 90kg sur le dos, c'est long ...

    Afin munie d'un chariot j'ai attendu l'ascenseur pour monté au hall E2.L'ascenseur habituel étant dans la zone sous alerte à la bombe j'ai voulu prendre un autre ascenseur sur le côté. Quand l'ascenseur est arrivé il y avait à l'intérieur une chinoise septuagénaire qui prenait tout l'ascenseur avec ses valises. Visiblement elle n'était pas au bon étage, elle est donc montée d'un étage. Puis la chinoise est réapparu.

    -         Pas bon étage !

    Puis elle a à nouveau disparue. Puis réapparu

    -         E2... Départ ?... pas bon étage !

     Disparue et enfin réapparue.

     -E2...Départ...L'ascenseur va au toilette... Où est E2, départ ?

    C'est vrai, Paris c'est pas l'Afrique, à Paris il y a des ascenseurs qui ne vont qu'aux toilettes situés un étage plus haut et des pauvres grand-mères chinoises qui jouent les David Copperfield.

    Comme nous allions au même endroit j'ai pris la grand-mère sous le bras et nous avons cherché un autre ascenseur qui aille autre part qu'aux toilettes.

    Enfin arrivé dans le hall E2, nous avons été abordé par un Guinéen qui cherchait lui aussi son chemin. Nous l'avons embarqué dans notre sillage à la recherche d'informations.

    Au moment de nous quitter la grand-mère m'a chaleureusement remerciée et m'a souhaité bonne chance. De la chance il m'en fallait, d'ailleurs j'aurais bien pris un peu de courage aussi.

    Je suis repartie pour le deuxième enregistrement  de la journée. Pareil que pour le premier sauf qu'elle ne voulait pas entendre parler de la guitare. Elle a donc appelé son chef. J'ai dit la larme à l'œil que je prenais ma guitare pour chanter des chansons aux pauvres orphelins et comme je n'aurai ni eau, ni électricité elle constituait mon seul réconfort.

    La larme paie toujours....J'ai pu garder ma guitare.

    NB : Les talons aiguilles pour voyager, c'est pas le top.

    Enfin, je suis allée à l'embarquement où j'ai découvert que j'étais surclassée en classe affaire, grâce à mon billet magique et à l'hôtesse mal réveillée de l'aéroport de Bastia.

    En classe affaire j'ai bu du champagne, mangé du foie gras et des macarons à la framboise jusqu'à la nausée. Il me fallait encore un peu de courage. Les hôtesses l'ont bien sentit t ont étaient aux petits soins avec moi.

    Il faut dire que des volontaires qui partent vivre de pauvreté avec les frères africains et qui se gavent de macarons en classe affaire, elle ne doivent pas en voir souvent.

    Lorsque les roues de l'appareil ce sont posées sur mon nouveau pays des larmes ont roulées sur mes joues. Je ne sais pas si je n'avais pas pris assez de courage ou si j'avais pris trop de champagne mais j'ai eu envie de rentrer chez moi auprès des miens.

    Lorsque le douanier à confisqué mon passeport pour me soutirer mon premier bakchich  j'ai franchement eu envie de prendre l'avion dans l'autre sens.

    Garder contenance, ne pas s'écrouler en larme au milieu du hall d'arrivée...

    Finalement j'ai pris mes bagages, me suis installée derrière le box du douanier et j'ai dit à qui voulait bien l'entendre que je resterais là jusqu'à la fermeture de l'aéroport et que si je n'avais toujours pas mon passeport j'irai ensuite me plaindre à l'ambassade de France.

    C'est l'étiquette du dispensaire collé sur ma valise qui m'a sauvée...Dieu merci.

    Une fois juchée sur mes bagages à l'arrière du pick-up du dispensaire, j'ai oublié le champagne, les macarons à la framboise et mon manque de courage. Instantanément j'ai aimé mon nouveau pays. Instantanément je m'y suis trouvée bien...


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