• Ce Matin je me suis réveillée au dessus d’un pays différent, je me suis réveillée au dessus de mon pays, la France. J’ai réalisé qu’après six mois de misère j’allais redécouvrir l’opulence. Quand l’hôtesse m’a demandée si je voulais un thé, un café ou un jus d’orange, je me suis mise à pleurer.

     

    Je ne sais pas pourquoi j’ai pleuré.

     

    Je crois que j’ai eu peur de mon propre pays, de ne plus y être adaptée. Une fille qui pleure parce qu’on lui propose un café c’est incompréhensible en France. Au dispensaire nous soignons quatre enfants avec le prix de ce café.

    Alors, une missionnaire de la charité qui pleure parce qu’elle sait que des enfants meurent pour le prix de ce café c’est déjà plus compréhensible.

    J’ai l’impression que j’ai vu tellement de gens mourir pour moins de cinquante centimes d’euros que cette petite pièce n’aura plus jamais ma même valeur, pour moi.

     

    Avant mon départ, je ne pensais pas que je pleurerai pour un café ou plutôt à cause du prix de ce café. Je ne croyais au mythe du missionnaire totalement désincarné et hanté par les personnes qu’il a aidé ou par pu aidé. Je me croyais au dessus de tout, il faut croire que j’avais tord.

     

    Je rentre en France avec les prisonniers morts du samedi matin, les nouveaux nés que nous n’avons pas pu réanimés, les urgences de la louange, les orphelins, Bintou, Fanta, Mamadou, Fatoumata, Moahmed,… Je les garde vivants dans un coin de mon coeur


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  • Quand je suis arrivée il y a six mois je ne pensais pas m’attacher à ce pays, ni à ces habitants. Avec les difficultés, le coup d’états, l’incompétence des fonctionnaires, la malhonnêteté de notre personnel et le manque d’éthique partout, ce sentiment aurait pu grandir. J’aurai pu m’aigrir et détester ce pays. Mais aujourd’hui que je rentre pour quelques semaines en France, j’ai l’impression que ce pays va me manquer.

     

    Les dernières journées au dispensaire ont été plutôt difficiles, avec le container de médicaments qui arrive dans une semaine, la prochaine commande à préparer et les vaccins qui n’arrivent toujours pas, je n’ai pas chômée. En plus depuis le retour du directeur, nous enchaînons réunion sur réunion pour remettre un peu d’honnêteté dans l’équipe. Nous finissons de collecter les derniers témoignages, nous faisons des entretiens disciplinaires et préparons les premiers licenciements.

     

    Sans aucun doute dans nos esprits le premier licenciement sera celui d’Eliane, la grosse truie violette. Aujourd’hui malheureusement une nouvelle pièce s’est ajoutée à son dossier. Un enfant est mort. Sa mère de quinze ans est venue accouchée hier à la maternité. Enceinte de sept mois l’enfant était né vivant et viable mais en détresse respiratoire. Malheureusement il n’a pas eu le moindre soin pour lui permettre de s’en sortir. Une heure est demi après la naissance, Eliane a juste notée : « 15h50 arrêt respiratoire mais le cœur continue de battre. » En lisant ça nous étions horrifiés. Ce matin à 11h la mère n’avait toujours était informée du décès de son enfant. Comme est elle la représentante du personnel nous ne pouvons pas la licencier sans autorisation et pour obtenir une autorisation il faut avoir un bon dossier et de la patience. Nous attendons donc, en espérant qu’aucun enfant ne meurt sur la paillasse pendant ce temps.

     

    Malgré cela, j’avais le cœur gros en quittant le dispensaire cet après midi. Je n’avais pas envie de le quitter même pour trois semaines de vacances en France. C’est étrange, qui l’eu cru.

     

    J’ai inspiré une dernière fois l’air de ce pays avant d’arriver à l’aéroport. J’avais tellement regardé cet empennage bleu, blanc et rouge en pensant au retour que j’avais du mal à croire que dans moins de douze heures je serai à la maison. Marie a montré l’avion de l’index avec des larmes dans les yeux et a dit : « Maison ! Maison ! ». Ce soir devant l’aéroport, il y avait de l’émotion pour une petite équipe de la mission catholique. Encore une fois nous devons nous séparer, notre mission est marquée par la poisse depuis le début et ça ne va pas s’arranger d’ici novembre.

     

    Après les embrassades et les larmes contenues je me suis engouffrée dans l’aéroport et j’ai basculée dans un autre monde : l’occident. Plus j’avançais dans le processus d’embarquement plus les procédures étaient complexes et plus je reconnaissais ma civilisation. Toutefois sur le tarmac j’ai pris une photo et un militaire m’a sauté dessus. J’ai fait la blonde, je lui ai fait croire que je ne savais pas de quoi il parlait et il m’a laissé partir. Il fallait bien que je nargue l’autorité de ce pays avant de partir.

     

    Dans l’avion c’était le début du retour : uniformes nickels, boissons fraîches et traiteur. L’hôtesse m’a demandé plusieurs fois si ça allait.

    -L’odeur de votre voisin ne vous dérange pas ?

    -Quelle odeur ?

    -Il pue le monsieur d’à coté. Ca chlingue !

    -Je n’avais pas remarquée, excusez moi.

    Depuis le début du voyage, j’étais enchantée par les odeurs des parfums des hôtesses, je n’avais pas remarqué que le gars d’à côté s’était à moitié vomit dessus. J’ai dût passer trop de temps à la prison, mes récepteurs olfactifs sont à la retraite.

     

    J’ai a peine touché à mon plateau repas et je n’ai bu que de l’eau. On est loin de l’orgie aux macarons et au champagne que j’avais imaginé. Je ne me suis pas encore sentie capable de redevenir superficielle. Je sais que ça reviendra mais pour l’instant je savoure encore ces dernières heures entre l’Europe et l’Afrique.


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  • L’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue largement disait un triste inconnu. Nous vivons de pauvreté avec nos frères africains et nous ne nous en plaignons, notre alimentation est constituée essentiellement de pain vache qui rit et nous en sommes heureuse. Mais nous ne crachons pas sur les petits extra non plus.

     

    Ce matin Anwar m’a appelé pour me dire que les cigares étaient partis de Dubaï hier soir et qu’ils arriveraient ce soir par avion. Il m’avait promis des cigares cubain, il étendait tenir sa promesse.

     

    Si ces cigares arrivent jusqu’à moi, je dirai que Dieu aime les missionnaires africains.


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  • Ca y est le directeur, sa femme et leur fille sont enfin rentrés. Il était temps, je pars à la fin de la semaine, c’est le grand chassé-croisé du pays des blancs, fauté-tah. On ne peut pas dire qu’ils soient vraiment surexcités de revenir. Anne en particulier est très affectée par son retour. Elle s’était bien réhabituée à l’Europe et le retour dans le bidonville est un peu rude.

     

    C’est elle et Marie qui me remplaceront pendant trois semaines et je ne sens pas un enthousiasme débordant à cette perspective. Elles m’ont d’ailleurs toutes les deux dit que j’avais vraiment un boulot idiot et que compter des boites toute la journée ce n’était vraiment pas passionnant. J’ai essayé de leur faire comprendre ce qui me passionnait dans mon boulot, leur faire comprendre le rôle central de la responsable de la pharmacie, elles ont acquiescée mais elles ne comprennent pas ce qui me passionne tant.

     

    Dans l’après midi nous avons fait une réunion pour discuter des sanctions que nous allons prendre contre les fraudeurs confondus les dernières semaines, nous avons décidé d’avoir une politique intransigeante mais humaine. Ceux qui doivent être licencier le seront mais ils seront indemnisés de manière à pouvoir se retourner et à ne pas laisser leurs familles dans des situations trop difficile. Nous avons également abordé les difficultés à venir. Après le départ d’Ana le 20 avril nous n’aurons plus de médecin titulaire, trois médecins français en vacances se relaieront en attendant l’arrivée en novembre d’un médecin coopérant pour deux ans. La perte des deux médecins autrichiens en janvier n’est pas sans conséquences. Il va falloir se partager le travail. Je serais la garante du respect des nouveaux protocoles que nous mettons en place depuis six mois avec Ana.

     

    Ce soir, ça nous a fait du bien de nous retrouver tous ensemble devant une tartiflette. Nous avons retrouvé un semblant d’équipe, a ceci près que les belges nous trouvent un peu changées. Ils nous trouvent changés pour ne pas dire qu’ils nous prennent pour des bêtes curieuses. Devant un film, Hélène s’est assise devant moi pour que je lui masse le crâne, Marie lui massait les pieds et Ana s’était allongée par terre. Ils nous ont traité de communauté hippie et de secte. Nous avons perdu tout sens des convenances mais malgré la tempête nous sommes restées soudées.

     

    Quand Anne me dit à quel point j’ai changé, alors qu’elle m’a vue il y a deux mois, je me demande si je n’ai pas trop changée. J’espère que le retour ne sera pas trop difficile. Difficile, pas pour moi mais pour les gens qui vont vivre avec moi.


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  • Parfois la vie nous réserve des surprises de taille…

     

    Ce soir avec Marie nous sommes allées au centre ville pour aller sur Internet et pour finir mes achats de cadeaux. Après un passage rapide chez le sculpteur que j’ai encore dévalisé, nous sommes allées au cyber pour consulter nos mails et enfin nous avons décidé de rentrer dans notre bidonville. 

     

    Il était tard et nous n’avions pas très envie de traîner dans les rues à la recherche d’un taxi. Comme c’était l’heure de pointe, nous du attendre longtemps. Pour tout dire nous avons même commencé à désespérer quand un 4x4 Mercedes s’est garé à côté de nous. En France on ne monterait jamais dans une voiture inconnue mais comme nous sommes blanche c’est monnaie courante que les voitures d’officiels nous propose de nous prendre en taxi.

    Trop contente de ne pas nous entasser dans une R9 nous avons grimpé dans la voiture.

     

    Après de rapides présentation, nos sauveurs étaient un canadien, Philip et un gars de Dubaï, Anouar. Avec Marie, on ne savait pas comment appeler les habitants de Dubaï. C’était des consultants du nouveau gouvernement, nous ne leur avons pas demandé ce qu’ils consultaient, sûrement top secret. Ils étaient en route pour leur appartement avec leur traducteur et sa copine quand ils ont décidé de faire leur béa, nous servir de chauffeurs.

     

    Très vite nous avons bien compris que nous n’allions pas du tout dans la même direction. Mais ils ont bien volontiers accepté de nous amener à l’aéroport et de faire le détour, de 34km, pour secourir deux demoiselles en détresse, même si nous n’étions pas en détresse. Il faut bien ce rendre compte qu’il n’y a rien à faire dans ce pays, alors faire un détour de 34km c’est une activité comme les autres. Comme Marie ne parle pas anglais, c’est moi qui ai fait la conversation. Ils voulaient tout savoir de ce qui pouvait nous pousser à vivre dans ce pays.

    -Vous aimez  ce pays ?

    -Oui, c’est un pays sympa et les gens sont vraiment gentils.

    -Philip ne supporte pas, il pleur tout les soirs. L’électricité qui saute et les coupures d’eau ça lui pose un problème.

    -Ce n’est pas un pays, c’est un problème géant. Il n’y a que des problèmes ici. Rien ne marche.

     

    Pour changer de conversation je lui ai dit que le Canada avait fait un don à la prison pour faire un potager. Je ne lui ai pas dit que le projet du potager avait été arrêté parce qu’ils avaient trouvé trop de cadavres en retournant la terre.

    -Et l’aide de mon gouvernement a aidé les prisonniers ?

    -Pas vraiment.

    -C’est comment la prison, ici ?

    -Euh…Tu connais Auschwitz ?

     

    A force de discuté nous avons loupé la sortie de l’aéroport et nous avons continués sur l’autoroute. Anouar ne voulait pas nous laisser si près de chez nous et Philip avait peur de s’enfoncer dans les quartiers pauvres. C’était un garçon très prudent, 45km/h sur l’autoroute, c’est de la vraie prudence.

    -Après, je le sais l’autoroute devient une piste.

    -On va les ramenée chez elle, on ne peux pas les laisser ici.

    -Mais je t’assure c’est un piste plus loin.

    -Chez nous c’est avant la piste mais vous pouvez nous laisser ici, on se dérouillera.

    -Non, on vous ramène chez vous.

     

    Après un bref passage politique nous avons parlé de nos loisirs. Nous leur avons raconté que le week-end il nous arrivait d’aller sur les îles en pirogue. Philip a dit qu’il faudrait le payer très cher pour le faire monter sur un engin pareil.

     

    A force de discuter et d’essayer de persuader Philip que ce pays n’était pas si terrible que ça nous avons comparé avec d’autres pays que nous avions visités. Nous avons découvert que nous étions tous les trois à Cuba et que nous avions une passion commune pour les cigares en général et les Cohiba en particulier.

    -Tu fumes des Cohiba ?

    -Oui, mais pas ici bien sûr, ici je vis de pauvreté.

    -Oh ! Avec du champagne français c’est merveilleux. Champagne français et cigare cubain…

    -Arrg !!! Je déteste ce pays et la pauvreté, je n’ai pas bu de champagne depuis six mois et je ne parle pas des cigares. Vivement que je rentre en France.

    -Demain je te ferai porter une boite de cigare au dispensaire.

     

    Sur le coup j’ai cru qu’il rigolait… Chemin faisant nous sommes arrivés au carrefour près de la maison. A cet endroit l’autoroute surplombe notre quartier, qui plongé dans le noir donne un effet encore plus glauque.

    -Nous habitons dans le bas fond, un peu plus loin.

    -Non ???

    -Oui, merci de nous avoir raccompagner. A bientôt.

    -Philip, il faut les ramener.

    -Non, je ne vais pas là avec ma voiture.

    -Ne vous inquiéter on va se débrouiller.

    -Philip on descend.

     

    J’ai cru que la Mercedes de Philip, tout 4x4 qu’elle était allée rester en rade sur la piste mais elle a tenue le coup. Arrivés à la maison nous avons poliment échangé nos portables et nous avons couru raconté notre retour à Ana.

     

    Ce soir pendant que j’écrivais ces ligne Anouar a téléphoné pour savoir à quelle adresse son bureau de Dubaï devait faire livrer les cigares. Je lui ai rappelé que je partais dans quatre jours et qu’il n’était pas nécessaire de m’envoyer des cigares. Il a insisté en disant que par DHL ce serait du gâteau.

     

    Ce pays et délirant et on y croise des gens délirants mais qui ont le cœur sur la main. J’ai hâte de savoir si je vais les avoir, pas seulement pour le plaisir de fumer un bon cigare mais plus la beauté du geste.


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