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    Le quai d'Orsay a un site Internet qui donne des conseils aux voyageurs français. Il évalue les risques et note les pays en fonction de leur dangerosité. Quand on va sur la fiche de mon pays on peut lire : « Pays dangereux, ne pas s'y rendre sauf en cas d'extrême urgence ».

    Quand on vit dans ce pays, l'ambassade de France dit qu'il ne faut pas se rendre dans le quartier où j'habite, ne pas se déplacer de nuit et voyager dans un 4x4 avec un chauffeur local, de confiance.


    Bon, moi j'avais déjà tout faux parce que je m'étais rendu dans ce pays sans motif urgent, que j'habite dans un quartier pourris et qu'en plus je ne déplace qu'en taxi collectif (Je rappelle que j'ai fait vœux de pauvreté pendant ma mission).


    Ce soir, je crois que j'ai fait sauter tous les tabous de l'ambassade mais je me suis bien amusée.


    Comme tous les jeudi soir j'étais à l'autre bout de la ville, dans un quartier plutôt riche pour la messe et la bière du jeudi soir. En rentrant je me suis arrêtée dans un cyber parce que j'avais un mail à envoyer et je me suis faite surprendre par la nuit. En sortant du cyber, je n'étais pas très inquiète mais quand le quartier a était plongé dans le noir, j'ai moins fait la fière.

    Il a fallut que j'attende dix minutes pour qu'un taxi s'arrête et je n'ai pas réfléchit, je suis montée. C'est quand il a tourné dans la direction opposée que j'ai commencé à m'inquiéter. En fait il n'allait pas du tout chez moi. Il m'a rassuré en me disant qu'il me déposerait près de l'autoroute. J'étais rassurée...un peu.


    Je descends du taxi, il fait nuit, il fait noir, je ne vois que des bougies ça et là, le quartier est bondé et je viens de m'apercevoir que l'on m'a toujours déconseillé ce quartier.

    J'ai gardé la tête haute comme si le quartier m'était familier, j'y étais passée avec l'incroyable Dr Dougo. Je pas s'arrêter, prendre un air détacher et avancer droit devant moi. Ne pas penser à ce que je dirai à l'ambassade s'ils sont obligés de venir me chercher en urgence.

    Arrivée à l'autoroute je me crois sauvée mais j'attends encore dix minutes et aucun taxi ne s'arrête. Je commence à m'angoisser. Je récite un « Je vous salue Marie ». Je prends la décision de prendre le prochain véhicule qui s'arrêtera devant moi.

    Stupéfaction !!!! Un bus !!! En fait j'étais à un arrêt de bus, nullement matérialisé, et le bus est venus s'arrêter juste devant moi. J'ai demandé à un petit jeune de me servir de guide.

    Le bus était tellement bondé que j'ai eu la tentation de resquiller, mais pas de ça ici. On monte par l'arrière et une dame dans une cage en fer nous donne un ticket en fonction de notre trajet. Personne ne contrôle, c'est sur la bonne foi des passagers. On me propose un siège que je refuse mais j'accepte volontiers la place à côté de la fenêtre.

    En fait ce n'est pas bien différent d'un bus aux heures de pointes. J'ai même eu droit à un embouteillage de plusieurs kilomètres.


    Et finalement je me suis faite des amis dans le bus.

    -Tu vis ici ?

    -Oui, je travaille au dispensaire.

    -Et tes parents sont des africains ?

    -Non pas vraiment. (Je rappelle que je suis blanche comme un cachet d'aspirine albinos)

    Sur ce ma mère appelle : « Je ne peux pas te parler, je suis dans le Bus. Bisous »


    Pendant le reste du trajet il a fallut que je me justifie, pourquoi voir dit « Bisous » à ma mère et pourquoi ne pas faire de bisous à la moitié des gaillards du bus. Comme d'habitude j'ai conclu en disant que j'étais presque nonne.


    Finalement tout est relatif. Le quai d'Orsay et l'ambassade de France pensent que je suis en danger dans ce pays, ma famille serre les dents et moi je me régale. Je suis très contente d'avoir pris le bus. Je pense même que je vais le prendre plus souvent pour faire des économies.


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    C'est bien connu qui sème le vent récolte la tempête et qui va en prison tous les samedi récolte un prisonnier.


    Ce matin comme tous les matins je suis arrivée au dispensaire sans vraiment savoir à quoi m'attendre : Des malades, des femme enceintes, des morts? Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un prisonnier moribond devant la loge des gardiens :

    -Mama !!Bonjour Mama !!

    -Mais qu'est-ce que tu fais ici, toi ?

    -Mama, le président m'a libéré hier, c'est une grâce présidentielle. Nous sommes 16, le régisseur nous a donné 50 000frs mais le gardien nous les a retirés à la sortie de la prison.

    C'est une coutume, pour ne pas faire chuter les statistiques, les mourants sont libérés par grâce présidentielle et ceux qui meurent en salle de torture sont enterrés dans le jardin de la prison.

    Une brave ONG a voulu mettre en place un atelier de réinsertion en faisant faire du jardinage aux prisonniers mais ils ont trouvé tellement de crânes qu'ils ont été obligés d'arrêter.


    Le diagnostic, même moi j'ai pu le faire : Béribéri. Il tenait à peine debout et les oedèmes l'avaient totalement déformés. Malheureusement il n'y aucune structure gratuite pour les gens atteints du béribéri. L'envoyer à l'hôpital ou ne rien faire c'était la même chose. J'ai demandé de l'aide à d'autres ONG, personne n'a pu m'aider. Mes collègues m'ont conseillé de laisser tomber, même le prisonnier voulait partir. « Mais je ne vais quand même pas à la prison tous les samedi pour les voir mourir leur sorti e ». Je l'ai gardé avec moi toute la matinée, d'un bout à l'autre du dispensaire, je l'ai nourrit et nous avons traité ses symptômes. J'ai fait mon possible mais quand même je ne savais pas très bien ce que j'allais en faire après le boulot.

    Il voulait partir, mais je ne voulais pas le laisser comme ça, sans point de chute.


    En fin de matinée, Awa la cuisinière du service nutrition m'a courut pour me dire qu'il était de sa famille et qu'il avait disparu depuis dix ans. Le week-end dernier elle était chez son frère et ils se demandaient s'il n'était pas mort. « Mort ? Pas tout à fait mais si on attend un peu ça pourrait venir ».

    Awa a appelé la famille du prisonnier pour savoir s'ils pouvaient s'en occuper. Ravie d'avoir des nouvelles ils ont accepté. J'ai donné l'argent du taxi à Alpha, le prisonnier et je lui ai fait jurer de revenir me voir quand il irait mieux.


    Finalement, j'ai rejoint les filles de la tales de médicaments qui ce sont gentiment moqué de moi.

    -Tu t'es trouvé un bon mari, il est malade, il pue, il a des mouches autours de lui mais il est géant. Bravo ! Félicitation !!


    Si je ne voulais pas me retrouver avec un galeux dénutri et puant à mes côtés je n'avais qu'à rester chez moi. J'ai fait un autre choix, j'en accepte les conséquences.


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    Je n'y croyais plus, je vivais au jour le jour la lente agonie de ma pharmacie. Quotidiennement je rationnais le peu de comprimés disponibles. J'envoyais nos patients acheter leur médicaments dans une pharmacie alors que je savais très bien qu'ils n'en avaient pas les moyens. Chaque matin était un déchirement lorsque je ne sortais qu'une demi boite de chloroquine alors qu'il en aurait fallut deux. Mais à présent le cauchemar est finit. Mon container de médicament est arrivé !!!!!


    Le container a pris deux mois et demi de retard parce qu'à cause de mondialisation les containers qui partent de Rotterdam pour l'Afrique sont déchargés à Tanger et rechargés sur des bateaux différents. C'est dommage que la mondialise arrange toujours les mêmes et pénalisent les autres. Ils n'ont pas bien compris mes patients quand je leur dis qu'il fallait patienter avec leur paludisme parce que la mondialisation avait décidé qu'il fallait que leur container se passe quelques jours à Tanger.

    Depuis quinze jours il y a eu l'épisode où je suis allée au ministère de l'hygiène et où je suis partie comme une voleuse sans payer de bakchich. Puis il y a eu le passage chez le transitaire où draguée par la moitié du bureau j'ai dû dire que je travaillais pour une mission catholique et donc que j'étais à moitié bonne sœur. Et depuis une semaine un gars au bout du fil me faisait languir de jour en jour. A bout de nerf, hier je lui ai dit que si je n'étais pas livré je viendrais moi-même cherche ces p... de médicaments. Il m'a donné rendez-vous pour aujourd'hui 12h


    Ce matin, tout le dispensaire m'a encouragé. Avec les filles de la pharmacie nous avons même récité un « Je vous salut Marie » et mis les médocs sous la protection de la Très Sainte Vierge. J'étais quand même pas très convaincue d'arrivée à mes fins.

    Taxis collectif qui me laisse à l'autre bout de la ville, je me perd dans un quartier glauque. Une dame m'indique un raccourci en passant par l'ancienne gare désafectée. Passage par la gare, très sympa mais ne dites pas à mes parents que je passe par des endroits comme ça. Finalement arrivée chez le transitaire...

    -Bonjour, j'ai rendez-vous. Je viens chercher mes médicaments.

    -Ah ! Oui vous avez rendez vous avec Jo mais le camion est partit en livraison. Il ne reviendra pas aujourd'hui. Ou ce soir très tard.

    -Je vous préviens je ne quitterai pas votre bureau sans mes médicaments.

    -Mais Jo est partit. Peut-être en fin de semaine.

    -Je vous préviens, je suis fatiguée parce que je ne dors plus la nuit à cause de ces médicaments. Je n'ai plus de chloroquine depuis une semaine, plus de gant en latex depuis ce matin et plus de fil de suture pour la maternité. Je fais comment avec les épisiotomies je les fait patienter. Si je n'ai pas les médicament aujourd'hui je ferme le dispensaire et je m'en fout les pauvres il iront mourir ailleurs.

    -Bon, bon. On va demander à Jo de revenir et à Condé chauffeur de vous accompagner avec son pick-up.

    Dix minutes plus tard, me voici partie avec Jo et Condé chauffeur au port à la recherche de mon container. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir au fond d'un hangar immense mais vide une palette avec 71 petits cartons. Ma commande ????

    C'était bien ça ma commande tenait sur une palette. Quelle déception.

    Pour charger les cartons dans le pick-up de Condé chauffeur il a fallut compter les cartons et pour que les cartons ne partent pas dans tout les sens au sens propre comme au sens figuré il a fallut que je fasse usage de mon plus elle organe : ma voix.

    Je les aime bien quand même, il faut crier de temps en temps mais ils sont super. Les dockers étaient très contents de donner un coup de main pour le dispensaire et moi j'étais toujours aussi stressée. J'avais peur qu'un carton disparaisse.

    A la fin du chargement Jo est partit devant pour passer la douane. Il ne fallait pas que je montre mon petit nez blanc. J'en ai profité pour faire une photo au nez et à la barbe des cinquante militaires présents. Il faut dire que vu l'état du port il doit y avoir des secrets technologiques à protéger ou de l'armement même pas nucléraire.

    Ce n'est qu'à la sortie du port, après les barrières, au rond point qu'un militaire s'est réveillé et nous a demandé un bakchich. Vous imaginez bien que nous n'en avons rien fait.

    Sur le trajet, toujours aussi stressant à cause des risques de braquage, Condé chauffeur à eu la bonne idée de s'arrêter faire le plein et regonfler ses pneus. Il aurait du faire du tourisme aussi puisque nous avions le temps...


    Et enfin, les médicaments sont arrivés au dispensaire. Les filles étaient rassemblée à l'entrée et m'attendaient. Je n'ai pas résisté à l'envie d'improviser une petite danse et de chanter mon chant africain préféré :

    « Mon Papa et fidèle, il ne m'abandonne jamais. Je suis dans la joie, une joie immense. Je suis dans l'émotion car Yahvé m'a libéré »

    C'est un chant qui doit se voir autant que s'entendre. Je vous ferai une démonstration à mon retour.


    En fin de journée nous avons fêté ça avec une bière. Cependant la commande semble bien maigre, je suis inquiète car j'ai trouvé des erreurs dans les stocks. Je pense vraiment que la commande sera trop juste pour tenir six mois. Dans six mois il va falloir recommencer.


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  • Je l'ai déjà dit, une journée qui commence par une urgence pendant la louange est une journée difficile. Aujourd'hui n'a pas échappé à la règle, une petite fille est arrivée brûlée sur 40% du corps. Nous n'avons pas les moyens de traiter de telles blessures, nous sommes obligés de les envoyer à l'hôpital...

    L'hôpital c'est quitte ou double. Même si les soins sont théoriquement gratuits, les médecins font payer les anesthésiants, les gants stériles et les draps. Si le patient ne paye pas, les actes gratuits je le rappelle, ils ne sont pas opérés, peu importe que l'opération soit vitale. Comme nos patients sont très pauvres, souvent ils meurent dans un couloir de l'hôpital par manque de soins.


    En fin de journée la responsable de la nutrition est venue me voir :

    -Tant de souffrance chez un enfant si jeune, ça ne devrait pas exister. C'est horrible à dire mais la mort serait une délivrance.


    Il y a un mois elle avait référée une petite fille de quelques jours qui était modérément dénutrie. L'enfant avait également, se souvient le médecin chef, des petits boutons sur le crâne, une légère dermatose. Pendant plusieurs jours elle a errée avec ses parents entre le service nutrition et le service dermato de l'hôpital, aucun ne voulant la prendre en charge parce qu'elle était indigente. La malnutrition s'est aggravée et les lésions cutanées aussi.

    Les parents à bout d'argent l'ont emmené chez le médecin traditionnel qui a procédé à l'ablation du pavillon de l'oreille qui s'était totalement nécrosé.


    Ce matin quand elle est revenue au dispensaire, son crâne était une gigantesque plaie purulente et odorante. Malnutrie sévère, ses jours sont comptés. Comme nous n'avons pas les moyens de la soigner nous avons été obligé de la référer de nouveau. C'est la responsable nutrition qui l'a emmené directement à l'hôpital pour être sûre qu'elle soit prise en charge.


    La semaine dernière la sœur d'une des employée du dispensaire est morte parce qu'elle n'a pas pu payer les médicaments pour sa césarienne. Arrivée en plein travail le vendredi soir au dispensaire, elle a été immédiatement référée. Ils l'ont laissé dans un couloir tout le week-end parce que la famille tardait à trouver l'argent. Le cœur du fœtus a cessé de battre le samedi soir et la mère est morte le dimanche après-midi. Pourtant, ils avaient les moyen des les sauver tout les deux. C'est la logique de la corruption poussée à son paroxysme.

    Pourtant nous continuons à référer parce que nous n'avons pas les moyens de les prendre en charge et parce que nous ne pouvons pas nous substituer au gouvernement.


    Que la vie soit dure, c'est une chose mais qu'elle soit injuste...


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    Ca y est les préparatifs de Noël ont sonnés. Tout le monde est dans les starting-blocks avant le rush de Noël, sauf nous. Ca va peut-être vous surprendre mais dans un pays musulman et pauvre, il n'y a pas vraiment de préparatifs de Noël. En plus comme je vis en communauté avec des peuplades du nord, ils plutôt tendance à fêter la saint Nicolas. C'est dommage, j'aurais bien volontiers fait les boutiques en imaginant la surprise dans les yeux de ceux que j'aime. Le sapin, les pères noël, le froid et les soirées devant la cheminée, comme tout cela me manque. Ici, ils ne savent même pas qui est le père Noël, il parait que l'année dernière il y en avait un devant la cathédrale. Il a été décroché parce qu'il faisait peur aux enfants.


    En tant que responsable de la vie matérielle ils m'ont chargés de préparer la saint Nicolas. Allez trouver un prêtre pour célébrer une messe à domicile, un saint Nicolas et un déguisement d'évêque en moins d'une semaine. C'est moi qui suis chargée de la corvée alors que je ne sais même pas qui est saint Nicolas.


    Bon le prêtre je l'avais déjà sous la main, c'est un avantage de partir en mission au nom de l'Eglise. Le saint Nicolas sera noir pour l'occasion, vu le peu de blanc que je connais, je peux même dire, vu le peu de blanc dans cette ville. Un saint Nicolas blanc c'était mission impossible. J'ai pris un petit jeune de la chorale. Il n'a pas bien compris pourquoi nos amis venus du froid fêtaient Noël 20 jours avant mais bon. J'ai essayé de lui expliquer en prenant le père Noël pour exemple. J'ai très vite laissé tomber le père Noël.

    -Et bien, le père Noël c'est un gros monsieur rouge qui fait le tour monde sur un traîneau volant tiré par des rennes et en criant HOHOHO !!!!!

    -Des rennes ????

    -Heeeu ! Oui des rennes, c'est comme des chèvres mais avec des cornes comme ça et un nez rouge qui clignote. Et puis il y a les elfes, la mère Noël (...) Laisses tomber.

    Finalement ce n'est pas plus mal qu'ils ne connaissent pas le père Noël, c'est trop débilitant.


    Pour le costume d'évêque il se contentera d'un bête costume rouge avec une barbe en coton. Ils ont eu de la chance que j'ai eu du coton en rabe sinon je lui aurais fait une barbe en compresse ou en pansements absorbant. On fait ce que l'on peut avec ce que l'on a.


    J'ai quand même un peu de mal à me mettre dans l'esprit de Noël, loin des châtaignes grillées, des huîtres et de ma famille. Mon Noël à moi sera le 15 décembre. Je recevrai la visite d'un père Noël cher à mon cœur avec une valise remplie de cadeaux.


    PS : La photo d'illustration à été prise l'année dernière à Noël à Bangkok. Ici, rien ne peux illustrer Noël.


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